ENTREVUE AVEC JUAN OGALLA (Chorégraphe et danseur)
"L'idée de danser pour quelqu'un d'autre me fascine"
Agathe Beaudouin
Crédit : Alberto Rodriguez
1- Juan, quelles sont les origines du spectacle "Baila Juan", que vous présentez au festival flamenco de Montréal ?
-Le projet est venu d'un échange avec Caroline Planté (co directrice du festival de Montréal, NDLR). L 'idée de venir présenter une création à Montréal m'a de suite enchanté. Sans hésiter, j'ai repris une notion que j'avais en tête depuis quelque temps. Je souhaitais que le spectacle s'intitule "Baila Juan" (Juan danse), car je pense que l'art et la création ont beaucoup à voir avec nos émotions intimes et personnelles. Je souhaitais me montrer tel que je suis et comme je danse. Sans artifice !
2- Devons nous percevoir, dans cette création, votre autobiographie?
Non, ce n'est pas une autobiographie, mais inévitablement, cela parle de choses très personnelles, des souvenirs qui m'ont marqué et qui alimentent aujourd'hui encore ma danse, et donc ma vie.
3- "Baila Juan" s'inspire beaucoup de "Bailar para contarlo", qui a reçu le prix Pellizco Flamenco au très réputé festival de Jerez de la Frontera (Espagne) en 2018. Comment avez-vous reçu ce prix ?
La vérité, c'est que je suis extrêmement heureux et touché. C'est toujours important d'être reconnu dans ton travail. Cela me donne beaucoup d'énergie pour continuer dans la voix que j'ai choisie. C'est une très grande satisfaction de me dire que je suis en train de bien faire les choses, que cela plait. Etre primé dans un festival si important m'apporte une énorme motivation et me donne une force incroyable.
4- Comment vous sentez-vous avant de monter sur scène, pour danser face au public?
Nerveux. Toujours. Je ressens aussi de la peur, mais en même temps, tout cela m'enchante. L'idée de danser pour quelqu'un d'autre me fascine. J'adore la scène, le spectacle.
5 - Appréhendez-vous un spectacle à Montréal comme vous le feriez à Madrid, Séville, Jerez ?
Pour moi, toutes les scènes sont égales. J'ai toujours le même respect pour le public, et pour tous ceux qui m'encouragent. Peu importe le lieu ou la ville, je donne toujours le meilleur de moi, c'est une forme de respect envers le public, mais aussi pour le flamenco, l'art, la danse, la profession.
6 - Vous dansez depuis - presque - toujours. Quel est votre hygiène de vie pour être au sommet en permanence ?
J'ai aujourd'hui un rythme de vie très tranquille, j'aime profiter de ma famille, ma femme et mes filles. J'essaie de passer le plus de temps possible avec elles, puisqu'auparavant, j'ai passé beaucoup de temps loin de la maison, pour le travail. Il y a eu des époques où je dansais entre 8 et 9 heures par jour !
Désormais, j'y consacre une paire d'heures quotidiennes.
7 - Vous avez débuté votre carrière dans les grandes compagnies de flamenco. En 2003, vous décidez de créer votre propre troupe. Pourquoi ?
Il arrive un moment où l'artiste doit pouvoir exprimer ce qu'il ressent au plus profond de lui. Les grandes compagnies m'ont beaucoup appris mais chaque artiste doit, à un moment, faire son propre chemin. Je dirai, pour moi, que c'était une nécessité vitale.
8 - Quel regard portez-vous sur l'évolution du flamenco ?
Le flamenco est un art universel, et cela, nous le devons aux grands, qui ont lutté pour que notre art soit reconnu au plus haut niveau et devienne digne d'être présenté dans les plus grands théâtres du monde entier. Et c'est une chance pour nous. Notre marché du travail, c'est le monde entier !
9 - Que diriez-vous à un public néophyte venant voir "Baila Juan" ?
Je leur dirai de se laisser porter par leurs propres émotions, que le langage des sentiments est universel.
10 - Vous avez reçu à Toronto le Dora Mavor Moore Mavor moore awards pour votre performance dans "De la Raiz", avec la troupe Esmeralda Enrique. Qu'est ce que cela représente pour vous ?
D'abord, c'est un deuxième prix dans l'année ! Et cela a été un grand et beau moment de le recevoir. C'était assez particulier parce que nous formons un groupe de personnes formidables, j'ai travaillé sur ce projet avec des gens pour qui j'ai une profonde tendresse. Et au final, tout cela se traduit sur scène. Je remercie du fond du coeur le Canada, qui m'a toujours accueilli avec beaucoup de tendresse.