ENTREVUE AVEC ANGEL RUIZ (GUITARISTE)
"Le FFLAM, un festival qui petit à petit se fait une réputation"
Recueilli et traduit par Agathe Beaudouin
Angel Ruiz, 39 ans, directeur musical de la compagnie Antonio Granjero, est également guitariste. Il sera aux côtés d'Antonio Granjero et Estefania Ramirez, au théâtre Outremont, vendredi 14 septembre, à 20 h, pour le spectacle Aire. En attendant de le voir, il dévoile l'origine de sa passion et son parcours.
BILLETS EN VENTE ICI
1 - Natif de Cordoue, vous avez débuté la guitare à 12 ans. Que représente-t-elle, vingt-sept années plus tard, dans votre vie ?
La guitare m'a donné un élan pour me construire en tant que personne. J'ai commencé à jouer à 12 ans, mais dès tout petit, grâce à la passion pour le flamenco de mon père, j'ai grandi en voyant de nombreux spectacles, allant voir les plus grandes figuras du moment... Puis mon père a fait beaucoup de sacrifices et m'a offert une guitare en espérant que je sorte un peu moins dans la rue. Je n'étais pas un enfant très facile, mais j'étais aussi inquiet. La guitare m'a transformé. Grâce à elle, j'ai pu voyager dans de nombreux pas, découvrir de nombreuses cultures. Pour moi, la guitare, c'est tout.
2 - Tout comme le flamenco est bien plus qu'une simple profession ?
Le flamenco, pour moi, c'est une façon de comprendre la vie. Les paroles évoquent la culture d'un peuple, des coutumes. Elles parlent d'amour et de désamour, de joies et de peines, de mort, et de toutes émotions qui ont marqué l'histoire du peuple andalou. Le flamenco, c'était aussi à l'origine une façon de rendre un peu moins dure la vie des mineurs et des paysans qui travaillaient les champs dans les campagnes. Moi, quand j'ai commencé à me lancer dans le flamenco, il était déjà plus reconnu alors que par le passé, ce fut une musique assez discriminée, ignorée, marginalisée dans la société.
3 - A Montréal, vous intervenez dans le spectacle Aire, de la compagnie Antonio Granjero. Quelle fut l'origine de votre rencontre artistique ?
C'est un ami que nous avons en commun qui a permis la rencontre avec Antonio et Estefania. Je connaissais le travail d'Antonio Granjero, il m'a toujours semblé sérieux. C'est, à mes yeux, un grand chorégraphe doté une très grande expérience de danseur. Ils m'ont donné la possibilité de travailler avec la compagnie en décembre 2017, puis à nouveau en 2018. Nous avons réalisé ensemble plus de 60 représentations. Estefania est une danseuse qui possède une très grande sensibilité de l'esthétique féminine flamenca, une des meilleures interprètes du pays.
4 - Quel rôle joue la guitare dans le spectacle Aire ?
Dans Aire, la guitare est avant tout au service du chant et de la danse, avec de nombreux détails et dans des formes différentes, elle est comme l'indispensable complice mais elle y tient aussi son propre rôle de soliste.
5 - Comment appréhendez-vous cette présentation au FFLAM ?
Pour moi, venir jouer à Montréal est une manière de participer au développement d'un festival qui, petit à petit, se fait une réputation. J'ai découvert Montréal il y a quelques années. Je suis resté fasciné par son aficion au flamenco, et par le caractère ouvert des gens. J'espère pouvoir apporter mon grain de sable à ce festival et donner une image professionnelle de mon travail. Je suis très admiratif de Caroline Planté (guitariste et co-directrice du FFLAM), je la considère comme une des meilleures du moment. Nous sommes tous très heureux d'être accueillis au FFLMA.
6 - Avant de rejoindre la compagnie Granjero, vous avez également joué avec des grands noms du flamenco, en Andalousie. Pensez-vous être arrivé à la place que vous cherchiez ? Ou avez vous encore et toujours la volonté d'aller plus loin ?
Il existe toujours chez un artiste la volonté d'explorer plus loin, l'envie de s'améliorer. Une vie entière ne suffit pas pour connaître le flamenco ! Je pense que l'un de mes plus grands souhaits serait que notre profession soit encore mieux reconnue par les institutions et que rapidement, dans les écoles, puisse s'intégrer un programme de l'histoire du flamenco par exemple, donner à chacun la possibilité de s'y consacrer s'il en a le désir. Quel que soit le pays, mon profond souhait est de continuer à grandir et à apprendre. J'ai bien conscience que faire ce que j'aime et en vivre est un privilège qui n'est pas donné à tout le monde. Je l'ai toujours en tête.
7 - Quel est votre meilleur souvenir de guitariste flamenco ?
J'ai eu la grande chance de jouer avec Antonio Gades (un des plus grands danseurs et chorégraphes de flamenco, décédé en 2004, NDLR). Un jour, alors que j'étais l'un des plus jeunes du Ballet andalou, et que tout le monde allait faire une photo, j'étais avec ma guitare dans les loges et le maestro s'est aperçu que je manquais sur la photo. Il a commencé à dire : "Et le niño ? " Il me surnommait ainsi de manière très affective. "Où est-il ?" Il a ajouté : "Un instant avant de prendre la photo, il manque un guitariste". Jamais je n'oublierai ce détail venant d'un génie comme lui. L'humilité, c'est aussi ce qui construit les grands artistes.